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Méditerranée : Les anciens tsunamis, entre mythes et réalités

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INSU/CNRS

De nos jours, environ 130 millions de personnes vivent sur le pourtour de la Méditerranée, une zone qui peut être touchée par des tsunamis et des tempêtes. Or, il est très difficile de distinguer les deux dans les archives géologiques. Déterminer la fréquence passée de ces deux types d’événement en Méditerranée, tel a été l’objectif d’une équipe de chercheurs du CNRS, des universités Paul-Sabatier Toulouse III et Aix-Marseille (France), de l’université d’Exeter (Royaume-Uni) et de l’université de New South Wales (Australie). Pour cela, elle a examiné les dépôts de 135 événements considérés comme des « tsunamis » dans des archives sédimentaires issues du pourtour méditerranéen depuis 4500 ans. Les scientifiques les ont ensuite comparés aux données existant sur les tempêtes pour cette même période en Méditerranée. Dans les deux cas, ils ont constaté que les événements se déroulaient tous les 1500 ans environ. Observant une correspondance entre des événements interprétés comme étant des « tsunamis » et des fortes tempêtes, ils sont arrivés à la conclusion que près de 90% de ces « tsunamis » sont en fait des périodes de fortes tempêtes. De plus, ces résultats suggèrent que la plupart de ces événements intenses sont liés à un refroidissement du climat dans l’hémisphère Nord. Publiés le 11 octobre 2017 dans la revue Science Advances, ils peuvent avoir des répercussions pour la gestion des risques côtiers.

De 2000 à 2015, les tsunamis et les tempêtes ont affecté plus de 530 millions de personnes (dont 430.000 morts), avec des dégâts totalisant plus de 970 milliards de dollars US. Ces données alarmantes, notamment les tsunamis dans l’océan Indien en 2004 et, très récemment, le déchaînement des ouragans Irma et Maria, ont conduit à un intérêt croissant pour la prévisibilité des événements extrêmes, à différentes échelles spatiales et temporelles. Néanmoins, malgré son importance pour la compréhension et la gestion des risques, ifférencier les dépôts de tempête des tsunamis dans les archives géologiques est l’un des sujets le plus débattu en géosciences. Pour analyser cette question, une équipe de chercheurs du CNRS et des universités de Toulouse 3, d’Aix-Marseille (LABEX OTMED), d’Exeter (R.-U.) et de New South Wales (Australie) a reconstitué la variabilité des « tsunamis » à l’échelle de la Méditerranée au cours des 4500 dernières années, à travers une méta-analyse des archives sédimentaires de la région. Ces données ont été comparées à des reconstitutions chronologiques de tempêtes en Méditerranée pour cette même période. Les chercheurs ont pu mettre en évidence une cyclicité dans la fréquence des « tsunamis » avec trois pics notables centrés sur le Petit Âge de Glace, vers 1600 et vers 3100 ans avant nos jours. Ces cycles, de 1500 ans environ, sont fortement corrélés avec une détérioration climatique en Méditerranée et en Atlantique Nord. L’étude remet en cause jusqu’à 90% des interprétations de type « tsunamite » pour ces dépôts et suggère, en revanche, que la plupart des dépôts seraient à mettre en relation avec des périodes de fortes tempêtes liées à un refroidissement du climat dans l’hémisphère nord. Ce constat original est essentiel pour fournir des bilans adaptés des risques côtiers, tant en Méditerranée qu’ailleurs dans le monde.

Les tempêtes et les tsunamis sont des moteurs majeurs, souvent dévastateurs, des changements côtiers. Dans le contexte actuel du changement global et de l’élévation du niveau de la mer, la menace de ces risques naturels se juxtapose à une forte anthropisation des littoraux. De nos jours, environ 130 millions de personnes vivent le long des côtes méditerranéennes. Elle constitue également la première destination touristique au monde, avec plus de 230 millions de visiteurs internationaux par an. La Méditerranée accueille plusieurs grandes villes riveraines, dont Istanbul (une méga-ville de ca. 14 millions de personnes), Barcelone (ca. 5,3 millions), Alexandrie (ca. 4,8 millions), Tel-Aviv (ca. 3,6 millions), Izmir (ca. 3 millions), Alger (ca. 2,6 millions) et Naples (ca. 2,1 millions). Pour aider les aménageurs et les décideurs politiques à formuler des stratégies pour diminuer l’ampleur de catastrophes littorales futures, il est donc essentiel d’améliorer nos connaissances des risques, y compris leurs origines, leurs magnitudes et leurs fréquences.

Néanmoins, différencier les dépôts de tempête des tsunamis dans les archives géologiques est un sujet très controversé. Pour la Méditerranée, depuis 2000, une grande partie de la littérature géologique s’est focalisée sur les risques liés aux tsunamis, en dépit de l’histoire des impacts des tempêtes. Est-ce que ce phénomène reflète la réalité de ses archives géologiques ou, en revanche, la montée d’une pensée néo-catastrophiste qui a polarisé les recherches sur les tsunami, à la suite de catastrophes mondialement médiatisées telles que Sumatra ou Fukushima ?

Pour répondre à cette question, l’équipe internationale de chercheurs a analysé 135 « tsunamis » provenant de 54 sites à travers toute la Méditerranée, de l’Espagne au Levant. Collectivement, cette série constitue la première reconstruction géologique des « tsunamis » méditerranéens avec une résolution décennale. La série montre comment la fréquence de ces risques côtiers a évolué ; à l’échelle de la Méditerranée, le nombre d’événements variant de 2 à 28/an depuis 4500 ans. Les changements sont particulièrement prononcés au cours des 2000 dernières années, un facteur que les chercheurs attribuent à un meilleur archivage des événements les plus récents.

Cette méta-analyse des dépôts de « tsunami » méditerranéens montre une périodicité de 1500 ans qui présente de fortes corrélations statistiques avec les pics d’un refroidissement climatique en Méditerranée et en Atlantique Nord. Compte tenu des corrélations avec les phases de tempête à l’échelle régionale, l’étude remet en cause jusqu’à 90% des interprétations des dépôts d’origine « tsunami » dans la littérature scientifique sur la Méditerranée. Ces résultats ont des conséquences importantes pour la gestion des risques littoraux, en plus des processus et des dynamiques géo-morphologiques à plus grande échelle. Plus précisément, cette étude souligne l’importance d’un examen plus rigoureux (i.e. plurioutils) des événements de type « tsunami » dans les études futures.

Ce travail a été soutenu par le LABEX OT-MED.

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Fréquence des «tsunamis» en Méditerranée depuis 4500 ans. Ces résultats sont fortement corrélés avec les phases de tempêtes en Méditerranée et en Atlantique nord et remettent en cause la plupart des interprétations pour ces dépôts de haute énergie.


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